Alain Dufresne fait partie des 157 chercheurs français les plus cités en 2018, d’après la société Clarivate Analytics. Après une thèse en électronique et un passage dans les substrats en résine époxy utilisés comme supports de composants en microélectronique, il se spécialise dans les polysaccharides (cellulose, chitine et amidon). Plus précisément, il s’intéresse aux applications industrielles potentielles des nanoparticules extraites de la cellulose.
La cellulose, superstar des matériaux naturels
Produite à des centaines de milliards de tonnes chaque année par la nature, la cellulose est utilisée depuis des millénaires pour fabriquer des textiles, du papier… Mais elle présente un potentiel bien plus important. Notamment à l’échelle nanométrique, à laquelle s’intéresse tout particulièrement le chercheur. «
De la cellulose, nous pouvons extraire des nanocristaux qui présentent des propriétés mécaniques très intéressantes, explique-t-il. Bien plus solides que des fibres de verre, ils peuvent être utilisés pour renforcer des plastiques par exemple. Plus longues et plus flexibles que les nanocristaux, les nanofibrilles de cellulose ont la particularité de s’enchevêtrer facilement, ce qui permet d’augmenter la cohésion du matériau avec une grande surface spécifique. Dans un gramme de nanofibrilles, la surface disponible d’échange peut en effet monter jusqu’à deux cents mètres carrés ! »
Au sein de l’équipe « Matériaux biosourcés multi-échelles » du Laboratoire de Génie des Procédés Papetiers (LGP2)*, les travaux d’Alain Dufresne portent sur la mise en œuvre et la caractérisation de nanocomposites polymères renforcés par des nanoparticules extraites de ressources renouvelables (biomasse, résidus agricoles). Il a publié plus de 270 articles dans des revues à comité de lecture, ainsi qu’un livre de référence sur la cellulose "Nanocellulose : From Nature to High Performance Tailored Materials" aux éditions De Gruyter. En 2016, il a été classé dans le Top 300 des chercheurs les plus cités en Science et Génie des Matériaux, par les éditions Elsevier.
Nanocelluloses : des applications dans tous les domaines
Les propriétés de la cellulose à l'échelle nanométrique en font un matériau attractif pour le renforcement des plastiques. L'ajout de nanoparticules de cellulose dans une matrice polymère dans le but de préparer des nanocomposites est probablement l'application la plus évidente en raison de la fonction structurelle de la cellulose dans la nature. Mais pas la seule. Son utilisation est envisagée pour la fabrication des emballages fibreux, plastiques, complexes ou en mousse, mais aussi en tant qu’agent de renforcement dans les papiers et cartons, ou encore pour améliorer la durabilité des peintures et vernis à base d'eau.
Des applications dans l’industrie alimentaire ont également été identifiées en raison du comportement rhéologique particulier des gels de nanocellulose. La viscosité élevée des gels de nanoparticules de cellulose à faibles concentrations, en fait de parfaits substituts hypocaloriques aux additifs glucidiques utilisés comme agents gélifiants, supports d'arômes ou stabilisateurs de suspension dans une grande variété de produits alimentaires.
En électronique, les films de nanomatériaux cellulosiques, qui sont à la fois transparents, légers, résistants, flexibles et biodégradables, peuvent être utilisés à la place du plastique ou du verre dans les panneaux d'affichage flexibles et les appareils électroniques. Des films souples à base de nanomatériaux cellulosiques ont également été testés pour des applications de stockage d'énergie dans les batteries lithium-ion.
Enfin, les nanomatériaux cellulosiques sont pressentis pour un nombre croissant d'applications dans le domaine biomédical. Ceci en raison de leurs propriétés physiques remarquables, de leur surface étendue, de leur fonctionnalité de surface et de leurs propriétés biologiques (biocompatibilité, biodégradabilité et faible toxicité).
De quoi occuper Alain Dufresne encore quelques années…
*LGP2 : Grenoble INP, CNRS, AGEPFI