Batteries « tout-solide » : préparer l’après lithium-ion

Alors que le marché des batteries pour l’automobile et les applications stationnaires connaît une croissance à deux chiffres sans précédent, les chercheurs préparent l’après lithium-ion. Après 20 ans de collaboration, Blue Solutions, filiale de Bolloré, et le LEPMI*, viennent de signer la création d’un laboratoire commun (Lab Lithium & interfaces Li2) sur cette thématique pour une durée de 5 ans.
Dès 2035, les constructeurs automobiles arrêteront définitivement la production de véhicules thermiques, qui seront progressivement remplacés par des véhicules électriques. Avec 23 millions de voitures rien qu’en France, le marché des batteries lithium-ion connaît donc une croissance exponentielle de 10 à 15% par an. Une aubaine pour les industriels, qui investissent des milliards dans des gigafactories pour les produire en masse.

Parallèlement, les scientifiques du monde entier planchent sur les prochaines générations de batteries. « Car le lithium-ion, technologie phare, a atteint ses limites physiques notamment en terme de densité d’énergie, c’est-à-dire de quantité d’énergie que l’on peut embarquer par unité de poids ou de volume », indique Renaud Bouchet, directeur du laboratoire commun, chercheur au LEPMI* et enseignant à Grenoble INP – Phelma, UGA. Bien sûr, cela joue directement sur l’autonomie des véhicules. Aujourd’hui, avec une batterie de 350 kilos, une voiture électrique ne fait en moyenne que 400 kilomètres. « Il faudrait doubler ce chiffre. Mais pour cela, il faut changer de technologie. »

Outre la densité d’énergie, il est nécessaire d’améliorer la sécurité des batteries. A l’heure actuelle, le conducteur ionique entre les deux électrodes est un solvant organique liquide, susceptible de s’enflammer quand la température monte. Ce risque pourrait être écarté grâce à des électrolytes solides (composites, polymères, céramiques…), lesquels, outre un gain de sécurité, permettraient de se passer des systèmes de régulation thermique intégrés aux voitures, qui sont lourds, coûteux et insuffisants.
 

Le lithium-métal, le Graal des batteries


Pour trouver des alternatives au lithium-ion, il faut développer de nouveaux matériaux, comme le lithium métal. « Remplacer le graphite par du lithium métal à l’électrode négative représente le Graal en matière de batterie. En effet, le lithium métal présente, à poids égal, une capacité 10 fois supérieure à celle du graphite. Remplacer ce dernier permettrait donc d’augmenter de façon conséquente la densité d’énergie de la batterie. » Blue Solutions, filiale de Bolloré, mise d’ailleurs sur cette chimie qui sera au cœur du laboratoire commun (Li2) que la société vient de signer pour 5 ans avec le LEPMI. Ce labcom aura également pour mission d’étudier les interfaces (électrodes/électrolytes) « qui jouent un rôle primordial dans ce genre de dispositif. » Un autre laboratoire commun a été signé par Blue Solution avec un autre partenaire académique historique** sur les thématiques de l’électrode positive (pour laquelle plusieurs options sont à l’étude).

A Grenoble, les chercheurs et chercheuses étudieront le comportement électrochimique du lithium métal, afin de mieux le comprendre et de lever les verrous qui donnent du fil à retordre aux scientifiques depuis 70 ans. « Les deux principaux problèmes de l’électrode négative à base de lithium métal, c’est qu’elle se passive en consommant le matériau actif, explique Renaud Bouchet. En outre, au cours de la décharge, le lithium s’oxyde en ion lithium, qui se redépose à la charge suivante, mais de manière non homogène, créant ainsi des dendrites susceptibles d’être à l’origine de courts circuits. Au final, on obtient une batterie dangereuse, et qui vieillit beaucoup trop vite. » Il faut réussir à rendre ce phénomène réversible pour espérer obtenir des batteries « tout-solide » allant au moins jusqu’à 2000 cycles, le tout avec des électrolytes solides et fonctionnant à température ambiante ! Avec son rôle central, le laboratoire commun (Li2) entre Blue Solutions et le LEPMI sera à l’interface des travaux menés par les deux (voire trois dans un futur proche) laboratoires communs de l’industriel sur les futures générations de batteries pour l’automobile.

labo labo3















* Laboratoire d'Electrochimie et de Physicochimie des Matériaux et des Interfaces : CNRS, Grenoble INP – UGA, UGA, USMB
** avec l’Institut des Matériaux de Nantes

Crédits photos :
Li²