Des gènes grenoblois dans le Nutri-Score

A, B, E… Le Nutri-Score a fait son apparition sur les emballages des produits alimentaires en 2017 pour aider le consommateur à être acteur de ses choix en matière d’alimentation. Mais saviez-vous que la pertinence de ce logo a été validée par le laboratoire grenoblois GAEL* ?
Inventé sous l’impulsion de la loi de modernisation de notre système de santé (dite loi Touraine), le Nutri-Score est un logo qui permet, sur une échelle à cinq niveaux, de savoir rapidement et simplement à quel point un produit alimentaire est sain et équilibré.

Connu et reconnu au niveau national depuis son implication dans une étude sur l’acceptation des OGM par le grand public dans les années 1990, le laboratoire a proposé à l’automne 2016 au ministère de la Santé d’évaluer en recourant aux méthodes de l’économie expérimentale, plusieurs logos destinés à permettre au consommateur de faire un choix éclairé pour son alimentation en matière de nutrition. « Le ministère avait sélectionné cinq formats, se souvient Bernard Ruffieux, professeur à Grenoble INP - Génie industriel, chercheur au laboratoire GAEL* et responsable scientifique de l’étude. La ministre d’alors, Marisol Touraine, s’était engagée à choisir celui qui, parmi eux, se révèlerait le plus efficace à faire changer les comportements. » Pour les départager, dans ce contexte particulièrement captivant d’élaboration de politique publique fondée sur la science, les chercheurs ont mis en place deux expériences en parallèle. Une expérimentation en conditions réelles dans soixante supermarchés où ont été apposés près de deux millions de labels et observés 1,6 million d’actes d’achat. Une expérimentation en laboratoire, faite sur le site de Grenoble INP en centre ville (Viallet) sur la plateforme du laboratoire, avec 600 volontaires. « Il est intéressant de noter que la « petite expérience » de Viallet, mieux contrôlée, fut plus significative et concluante. »
 

Un logo choisi sur la base de comportements réels observés en laboratoire


Ces expériences, où l’on observe des comportement réels – les participants repartent avec des produits qu’ils ont réellement achetés – contrastent fortement avec les enquêtes déclaratives. « Nous voulions mesurer l’impact réel des différents logos dans les conditions suivantes : chaque participant entrait dans le laboratoire – un magasin en ligne présentant des produits courants au prix indiqué en supermarché – dans lequel il était invité à faire ses courses pour 24 heures. Il faisait ses courses une première fois avec un catalogue de produits sans affichage nutritionnel. Il refaisait ses courses ensuite avec un catalogue affichant l’un des logos testé. L’un des paniers est tiré au sort et acheté par le participant. Sur la base des données recueillies, on réalise ensuite des mesures d’écarts entre les deux paniers constitués par les utilisateurs et entre les traitements, chaque traitement testant un logo différent et un traitement sans logo, le « placébo ». C’est ce qu’on appelle la méthode de la double différence. » Parallèlement, la même expérience était menée dans soixante supermarchés à l’échelle nationale. C’est ainsi que le logo du Nutri-Score, aujourd’hui présent sur la plupart des emballages alimentaires, a été choisi sur la base de résultats mesurables et concrets. Les résultats des deux études sont publiés dans des revues scientifiques internationales : l’étude en laboratoire dans la European Review of Agricultural Economics et 2020 ; l’étude en grandeur nature dans le Journal of the Academy of Marketing Science en 2021.

Fort de ce succès, le laboratoire a travaillé récemment, avec le ministère de l’environnement sur un affichage environnemental.
 

Bientôt un dispositif d’affichage environnemental


L’affichage simplifié en face avant des produits ou présent de façon saillante sur les plateformes d’achat ou en restauration hors domicile étant un succès, il est en passe de s’étendre à d’autres domaines. Le ministère de la Transition Ecologique et l’Ademe** planchent sur un équivalent du Nutri-Score dédié à l’impact environnemental des produits de consommation. Là encore, le laboratoire GAEL a été mis à contribution pour déterminer l’affichage le plus efficace. « Comme pour le Nutri-Score, il s’agit d’une note affichée sur les produits, sur les linéaires de libre-service ou sur Internet, calculée sur l’ensemble du cycle de vie du produit, suivant comme en nutrition un référentiel validé, explique Bernard Ruffieux. C’est un repère simple pour les consommateurs, avec une identité graphique qui est en voie de définition et qui permettra de comparer les produits entre eux et de faire un choix éclairé au moment de l’achat, au sein de chaque rayon ou entre eux. »

Réalisées entre juillet et septembre 2021 sur 600 personnes environ, les expérimentations ont rendu leurs conclusions, et un rapport a été publié récemment (ADEME, 2021). Reste à voir quand et comment il sera déployé, le Ministère ne s’étant pas encore engagé à adopter le format final.

*Laboratoire d’Economie Expérimentale de Grenoble : CNRS, INRAe, Grenoble INP – UGA, UGA
**Ademe : Agence de la transition écologique