Les protections périodiques actuellement disponibles sur le marché posent de sérieux problèmes environnementaux : environ 50 % de leurs composants sont issus de matériaux dérivés du pétrole. Les éléments tels que le voile supérieur non tissé, le voile inférieur imperméable, et les super absorbants (qui peuvent absorber jusqu'à 600 fois leur masse en liquide) sont responsables d'une accumulation de déchets non biodégradables.
En parallèle, 500 millions de femmes dans le monde sont en situation de précarité menstruelle, souvent sans accès à des protections hygiéniques sûres et abordables. Ce problème est particulièrement aigu dans certaines régions du monde où l'accès aux protections est limité et les tabous autour des menstruations persistent, entraînant un enfouissement massif de ces produits.
Une solution économique et durable
Le projet Napkins a pour objectif de créer des serviettes hygiéniques composées uniquement de matériaux biosourcés et entièrement biodégradables. Pour y parvenir, les chercheurs doivent relever plusieurs défis techniques, notamment la mise au point d'une structure résistante à l'humidité tout en utilisant des matériaux hydrophiles.
Les travaux s'appuient sur les compétences complémentaires des partenaires du projet : le LGP2 pour les procédés papetiers et les mousses cellulosiques, le CEMEF pour les super absorbants polysaccharidiques, le 3SR pour l'étude des propriétés physiques des matériaux fibreux, et le LERMAB pour la préparation des matières premières lignocellulosiques traitées notamment par explosion en phase vapeur des fibres. Ensemble, ils explorent différentes solutions pour simplifier les procédés de fabrication et les rendre adaptables à divers matériaux.
Des matériaux locaux
Afin de réduire l'empreinte environnementale et de garantir une accessibilité maximale des produits, les matériaux utilisés doivent être disponibles localement. Le bambou, reconnu pour ses propriétés antimicrobiennes, sa richesse en lignine et son accessibilité dans de nombreuses régions du monde, a été sélectionné pour les premières expérimentations. D’autres fibres telles que le lin, le bois, et le palmier dattier, seront également étudiées.
Le projet Napkins envisage l'utilisation d'un seul matériau pour les trois couches de la serviette : un voile doux et drainant en surface, une couche absorbante à base de mousse cellulosique, et un voile imperméable en dessous.
Les premières expériences, réalisées avec du bambou et du coton, ont abouti à la fabrication de couches absorbantes avec des résultats prometteurs, notamment en termes de densité et de porosité des matériaux obtenus. Cependant, certains aspects, comme la rétention des liquides, nécessitent encore des améliorations. « Nous devons parvenir à une imperméabilité totale et à une meilleure rétention, souligne Cécile Sillard, ingénieure au LGP2 et coordinatrice du projet. Une stagiaire a notamment travaillé sur le voile inférieur en utilisant un procédé de thermo-pressage, permettant d'obtenir une structure plus dense, mais encore trop perméable à l'eau. » Le projet, qui démarrera officiellement en janvier 2025, prévoit un financement sur 48 mois pour perfectionner ces solutions techniques avec le lancement de deux thèses et de deux post-doctorats.
Une démarche de science ouverte
Le projet Napkins ne se contente pas d'innover sur le plan technique : il se distingue également par sa philosophie de science ouverte. Les chercheurs ont choisi de ne pas déposer de brevet afin de partager librement leurs résultats. « Nous voulons que les filles et les femmes du monde entier puissent bénéficier de protections hygiéniques abordables et respectueuses de l'environnement. » Cette volonté de transparence s'inscrit dans une démarche de démocratisation de la recherche, avec pour ambition d'influencer positivement les pratiques industrielles.
* CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA / Agefpi
** CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA
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