Le vieillissement des ouvrages hydrauliques en France et dans le monde conduit les gestionnaires à choisir entre plusieurs stratégies pour prolonger leur durée de vie : ne rien faire du tout, réparer l’ouvrage, le renforcer, voire le remplacer complètement. Les coûts de fabrication et les pertes liées aux arrêts d’exploitation durant les chantiers étant très importants, il est essentiel de pouvoir apprécier au plus juste les interventions nécessaires afin de trouver le meilleur compromis garantissant une sécurité optimale et évitant les dépenses inutiles.
La nouvelle chaire de la Fondation Grenoble INP, récemment créée avec SPRETEC-ARTELIA, ainsi que les laboratoires 3SR et SIMaP, a justement pour objectif d’affiner les modèles de prédiction de la durée de vie résiduelle des ouvrages d’art. SPRETEC est spécialisée dans les études de dimensionnement et de contrôle de structures sur les « organes de vantellerie », c’est-à-dire des ouvrages à fort enjeux comme les portes d’écluses, les vannes ou autres pièces de centrales hydrauliques. Celles-ci sont le plus souvent de vieilles structures ou des pièces moulées subissant de fortes poussées hydrostatiques et finissant par perdre en résistance et présenter des signes de fatigue importants.
A l’heure actuelle, l’étude de ces structures doit suivre des règles et des critères déterminés pour des bâtiments courants. Ces règlements sont parfaits pour la conception d’ouvrages, mais pas adaptés aux bâtis non neufs, en cours de vieillissement, qui sont soumis à la fatigue, c’est-à-dire à la répétition de cycles de sollicitations. C’est notamment vrai pour la porte d’écluse de Bollène, dont le cas a poussé SPRETEC à se rapprocher des laboratoires de Grenoble INP – UGA.
Vers des indicateurs d’aide à la décision plus fins
Aujourd’hui, la plupart des modèles de vieillissement utilisés par SPRETEC répondent à la règlementation actuelle qui se fonde sur des critères déterministes.
« Selon la règlementation en vigueur, les modèles utilisés permettent par exemple de vérifier en tous points de la structure que la résistance du matériau est supérieure à la sollicitation, mais sans prendre clairement en compte la variabilité des matériaux et des chargements, ni les éventuels défauts ou autres effets du vieillissement présents dans la structure, » indique Julien Baroth. Pour aider les gestionnaires à estimer la durée de vie résiduelle des ouvrages et à prendre les décisions les plus éclairées possibles pour leur maintenance, des modèles peuvent être développés afin d’aller au-delà des calculs règlementaires.
A cet égard, les chercheur·e·s grenoblois·es proposent de coupler les modèles déterministes avec d’autres, dits probabilistes, lesquels tiennent compte de la présence éventuelle de défauts. Cela consiste par exemple à compiler différentes mesures et données d’observation visuelle afin de déterminer un indice de risque pour chaque soudure, lequel peut ensuite être intégré dans une nouvelle modélisation.
« SPRETEC a fait appel à nous car nous disposons de méthodes de calcul avancées, que nous avons accès à des données descriptives et des retours d’expériences dans la littérature scientifique, ce qui est particulièrement rare et précieux pour les ouvrages d’art du génie civil… souligne Rafael Estevez.
Nous aiderons les ingénieur·e·s de SPRETEC en allant par exemple chercher des données et des résultats d’essais dans des laboratoires du monde entier, et en utilisant des méthodes probabilistes fondées non pas sur des valeurs fixes, mais sur de valeurs moyennes d’écart types, voire de distributions, estimés sur la base d’autres travaux. » poursuit Rafael Estevez.
La collaboration, qui durera 4 ans, prendra la forme de stages de deuxième année d’école d’ingénieur, de stages de fin d’études et une thèse.
*CNRS, Grenoble INP – UGA, UGA
**CNRS, Grenoble INP – UGA, UGA