Grenoble INP Rubrique Recherche 2022

La physique au service des sciences du vivant


Edito : 15 ans d’enseignement à l’interface de la physique et de la biologie


La présence du CEA et des grands instruments a attiré une communauté de biophysiciens à Grenoble dès les années 1970. Mais ce n’est qu’au tout début des années 2000 que la biologie fait son apparition dans les enseignements de Grenoble INP, à l’Ecole Nationale Supérieure de Physique de Grenoble (ENSPG, devenue Grenoble INP - Phelma). Claire Schlenker, alors directrice de l’école, crée la filière "Instrumentation pour les biotechnologies" afin de répondre à la demande des entreprises et des laboratoires, voyant bon nombre d’étudiants attirés par l’imagerie médicale. Bénéficiant du boom du développement des applications technologiques en biologie et pour la santé, la filière, qui a entretemps été rebaptisée Biomedical Engineering, forme aujourd’hui près de 50 étudiants par an. Dès sa création, celle-ci a été associée à des masters proposés par l’Université Grenoble Alpes (UGA) dans le domaine des sciences de la vie. A la rentrée 2016, les étudiants ayant choisi cette filière, pourront d’ailleurs bénéficier d’un double diplôme Grenoble INP et UGA (masters Nanobiosciences ou Nanobiomedicine and structural Biology). De son côté, Grenoble INP - Pagora propose une formation en post-master à la frontière du génie des procédés et de la biologie sur la valorisation de la biomasse, la filière Biorefinery, dont certains enseignements pourraient à terme être intégrés au master Nanobiosciences, qui pourrait devenir commun avec l’UGA. Ce n’est qu’un début, tant les perspectives sont importantes. Par le biais de la santé, la biologie offre en effet un terrain d’application majeur pour les technologies, notamment les technologies miniaturisées.

Franz Bruckert
Professeur à Grenoble INP - Phelma et directeur du LMGP*


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La physique au service des sciences du vivant


Depuis de nombreuses années, l’interface Physique-Sciences du Vivant est un élément important du développement scientifique et technologique de Grenoble. Un mariage logique, auquel Grenoble INP prend activement part.




"À l’heure actuelle, nous sommes à un stade de développement où les connaissances pluridisciplinaires deviennent indispensables en biologie, notamment en physique et en mathématiques", estime Franz Bruckert, professeur à Grenoble INP – Phelma et directeur du LMGP*. Et de fait, la physique apporte des outils d’exploration très puissants pour observer le vivant (imagerie, etc), mais également des clés pour le décoder et en comprendre les propriétés, telle que la capacité d’auto-organisation des objets biologiques. Les matériaux, dont l’architecture tridimensionnelle permet de moduler les propriétés mécaniques, et dont le cœur ou la surface peuvent être modifiés par des biomolécules dans le but de les rendre "bioactifs", occupent également une place prépondérante dans l’imbrication de la physique avec la biologie. Ainsi, les systèmes vivants qui sont naturellement hautement organisés et efficaces d’un point de vue biologique, sont une grande source d’inspiration pour les scientifiques. Ceux-ci s’efforcent de créer des matériaux synthétiques innovants dont les propriétés se rapprochent au mieux de celles des tissus vivants. Les applications au domaine médical sont nombreuses, notamment pour réparer les os ou les vaisseaux lésés.


La santé, véritable moteur de l’innovation


La santé a toujours été le moteur du rapprochement de ces sciences. Aujourd’hui, l’ingénierie biomédicale est un domaine économique fort de la région grenobloise, qui donne lieu à de nombreuses activités de valorisation. Ce secteur est soutenu par des plateformes technologiques de haut niveau et des formations de qualité à Grenoble INP et à l’UGA. L’association MEDICALPS fédère quant à elle l’ensemble des acteurs économiques.
Les laboratoires de Grenoble INP développent, entre autres, des dispositifs miniaturisés et/ou implantables, des dispositifs médicaux ou encore des implants bio-actifs (TIMC, Spintec, IMEP-LAHC, G2ELab, LMGP…). Certains projets de recherche ont pour thème le contrôle et délivrance de molécules actives, l’optimisation de la biocompatibilité grâce à des matériaux biomimétiques et/ou architecturés (Labo Rhéologie, LMGP). D’autres s’intéressent au stockage et à la production d’énergie bioassistée (LEPMI, TIMC), et à l’utilisation en santé de nouvelles molécules issues de la biomasse végétale (LGP2).
Enfin, Grenoble INP dispose d’énormes atouts dans un autre domaine à l’interface : les mathématiques au service des sciences du vivant. Celles-ci sont mises à profit au GIPSA-lab, notamment, pour modéliser les phénomènes particulièrement complexes. La révolution apportée par les techniques d’analyse en parallèle des macromolécules biologiques (spectrométrie de masse, séquençage à haut débit) permettent de mettre en évidence la globalité de leurs interactions à l’échelle de la cellule. Cette masse d’information, complexe à traiter, à analyser et à représenter, préfigure la biologie de demain, résolument pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire.


Laboratoires cités dans cet article :


G2ELab
: Laboratoire du génie électrique
GIPSA-lab : Laboratoire images, parole, signal, automatique
IMEP-Lahc : Institut de Microélectronique Electromagnétisme et Photonique, et Laboratoire d'Hyperfréquences et de Caractérisation
LEPMI : Laboratoire d’électrochimie et  physico-chimie des matériaux et des interfaces
LGP2 : Laboratoire génie des procédés papetiers
LMGP : Laboratoire des matériaux et du génie des procédés
LRP : Laboratoire rhéologie et procédés
Spintec : Spintronique et technologie des composants
TIMC : Laboratoire de l’ingénierie médicale et de la complexité   



Grenoble IN'Press - Matrice - Icone - Puce d'articles (30x30) Réparer les os




Remplacer les os fracturés ou lésés par des prothèses de titane c’est bien, mais pouvoir les réparer quand ils ont subi un gros traumatisme, ce serait encore mieux ! Cela pourrait être bientôt possible grâce aux travaux de l’équipe de Catherine Picart, professeure à Grenoble INP - Phelma et chercheuse au LMGP. L’homme est une merveilleuse machine, qui a parfois besoin d’un petit coup de pouce pour initier le processus de réparation d’un tissu lésé. On sait par exemple qu’il existe dans l’organisme des molécules bioactives capables de stimuler la croissance de l’os et du cartilage : les BMP (Bone Morphogenetics Proteins). Implantées expérimentalement dans du muscle, elles sont si puissantes qu’elles sont même capables d’induire la formation d’os là où on n’en attend pas du tout ! Si l’on arrivait à les associer à des biomatériaux couramment utilisés en chirurgie orthopédique comme des métaux (le titane par exemple), ou des polymères utilisés pour renforcer les vertèbres quand elles manquent de stabilité, leur utilisation en médecine régénératrice pourrait alors être grandement étendue. Un problème se pose cependant : on ne sait pas les faire interagir avec les implants synthétiques, lesquels sont constitués de matériaux inertes. D’où l’idée d’utiliser un film à base de polymères naturels pour "tapisser" l’implant de ces fameuses molécules bioactives. Non seulement ce film, appelé "film biomimétique", peut adhérer à la surface de l’implant en épousant sa géométrie, mais il possède en outre une porosité à l’échelle de la protéine qui lui permet de "piéger" les BMPs, lesquelles sont libérées à l’endroit où est implanté le support. Les résultats des essais réalisés in vitro en laboratoire et in vivo sur des petits animaux ont permis de montrer que le film biomimétique était capable d’initier la formation d’un nouvel os et qu’il est possible de contrôler précisément la dose de protéines BMPs délivrée. Ceci permet d’optimiser la régénération de l’os. A suivre.



Grenoble IN'Press - Matrice - Icone - Puce d'articles (30x30) Le SiC : intelligent et biocompatible



 
En plus d’être un excellent semi-conducteur, le carbure de silicium (SiC) est un matériau biocompatible et inerte chimiquement. Ces qualités en font le candidat idéal pour la réalisation de biocapteurs utilisables in vivo, pour, par exemple, réaliser du monitoring de populations virales ou bactériennes in situ. Ainsi, les nanofils de SiC pourraient remplacer avantageusement les nanofils de silicium dans les dispositifs électroniques de détection de biomolécules, cumulant les avantages du SiC avec la grande sensibilité de la détection électronique. Maîtrisant le procédé d’intégration de nanofils de carbure de silicium, Edwige Bano de l’IMEP-LAHC, en collaboration avec Valérie Stambouli du LMGP, ont été les premières à construire des transistors à nanofils de SiC et à les fonctionnaliser de manière à les rendre sensibles au type de molécule à détecter. "Nous avons réalisé le premier démonstrateur à l’échelle internationale pour la détection d’ADN de 20 bases, par greffage de l’ADN complémentaire sur les nanofils de SiC, explique la chercheuse. L’hybridation de l’ADN sur le nanofil en modifie les propriétés électriques, et cette variation peut être détectée sans marquage préalable." Dans le cadre d’une proposition de projet européen baptisé SiCnanowire, d’autres applications sont également envisagées, telle que la détection de marqueurs précoces de certains cancers ou la mise en évidence de polluants environnementaux.



Les vertus cachées des hémicelluloses




Les glucides sont une matière première très utilisée dans l’industrie pharmaceutique, que ce soit comme excipient ou comme principe actif. Aussi, Christine Chirat, maître de conférences à Grenoble INP – Pagora et chercheuse au LGP2, s’est-elle mis en tête de valoriser les hémicelluloses, des polysaccharides complexes contenus dans les parois cellulaires du bois, dans le domaine pharmaceutique et nutraceutique. "Les hémicelluloses sont la plupart du temps transformées en énergie par combustion, explique la chercheuse. Or, elles pourraient être extraites et valorisées en amont du procédé Kraft qui permet la récupération de la cellulose pour la fabrication du papier". En collaboration avec le professeur Bertrand Toussaint de l’équipe TheREx du TIMC, elle a passé en revue les glucides constituant les hémicelluloses de bois et leurs applications thérapeutiques potentielles, en se focalisant sur certaines maladies intestinales. "Nous avons mis au point les procédés d’hydrolyse nécessaires à l’extraction des molécules d’intérêt, et sommes actuellement en train d’en tester les effets sur les bactéries bénéfiques et pathogènes du système digestif. Nous avons fait appel au CERMAV pour nous aider à caractériser le plus complètement possible les molécules d’intérêt". Ce projet est partiellement financé par le Labex TEC 21, et nous recherchons des financements complémentaires. S’il aboutit, il permettra de valoriser des molécules que l’on ne trouve actuellement pas sur le marché, et qui sont susceptibles d’être produites en grandes quantités par l’industrie papetière dans de nombreux pays, pour être accessibles au plus grand nombre.



Améliorer la stabilité des protéines thérapeutiques



 
Quelle est l’influence des interactions entre matière et protéines sur la stabilité de ces dernières ? Loin d’être anodine, cette question revêt toute son importance dans le cas des protéines thérapeutiques. "Une protéine en solution peut perdre sa structure tridimensionnelle et former des agrégats aux interfaces, explique Marianne Weidenhaupt, maître de conférence à Grenoble INP - Phelma et chercheuse au LMGP. Dans le "meilleur" des cas la protéine n’est plus fonctionnelle, mais dans le pire, elle peut devenir toxique". Dans le cadre de partenariats avec des industriels du domaine de la délivrance de molécules thérapeutiques (Becton Dickinson, Eveon), la scientifique et son équipe ont étudié le comportement d’une protéine modèle, l’insuline. Objectif : décrypter les mécanismes d’adsorption de la protéine sur les surfaces des matériaux et aux interfaces avec l’air, et de l’éventuelle formation d’agrégats. En utilisant des outils dérivés de la physique et des mathématiques, les chercheurs ont mis en évidence que l'insuline s’agrège préférentiellement à la triple interface contenant/liquide/air, que l’on retrouve par exemple au niveau des bulles d’air se formant dans la solution. "Ainsi, la prise en compte du matériau au contact des protéines thérapeutiques, ainsi que des procédés de reconstitution et d'administration, sont indispensables pour l'optimisation de la stabilité des protéines thérapeutiques".



Des "micro muscles" en culture



 
Entre les modèles cellulaires in vitro, peu performants, et les modèles animaux, chers, complexes et posant de nombreux problèmes éthiques, il y avait un grand vide que Thomas Boudou, chercheur au LMGP, a voulu combler. Le jeune chercheur a en effet mis au point et breveté un modèle de muscle in vitro très original, entre la cellule unique et le tissu, "juste assez petit pour se passer de vascularisation". Son invention est un support plastique de quelques centimètres carrés constitué de 130 puits contenant chacun entre 100 et 500 cellules. A l’intérieur de ces puits, sont placés deux "piliers" en polymère flexible plus ou moins espacés et plus ou moins rigides. "Lors de leur croissance, les cellules exercent dessus une tension que l’on peut mesurer et dont on peut observer les variations en fonction des conditions". Dans un premier temps, ce dispositif permettra de comprendre l’influence de la "rigidité" de la matrice sur les processus de cicatrisation par exemple. Dans le cadre d’un projet ANR, il sera également mis à profit pour tester l’impact des mutations sur la tonicité des cellules musculaires. A terme, il sera envisageable de personnaliser les traitements des malades en testant les effets des médicaments sur un "micro muscle" produit à partir de leurs propres cellules.



Une biopile pour alimenter les organes artificiels


Capables de convertir le glucose présent dans les fluides physiologiques en électricité, les biopiles enzymatiques ouvrent de nouvelles perspectives pour l’alimentation de dispositifs médicaux implantables tels que les pacemakers, les sphincters artificiels ou les pompes à insuline. Cependant, les performances de ces biopiles en termes de puissance doivent encore être améliorées pour envisager des essais chez l’homme. Dans cette perspective, le TIMC s’est rapproché du LGP2 pour envisager la fabrication d’électrodes souples qui pourraient être enroulées, augmentant ainsi leur densité et donc les rendements de la pile. Ces travaux, soutenus par un projet ANR, ont démontré la pertinence des procédés d’impression tels que le spray ultrasonique et l’héliogravure dans l’élaboration de biocathodes homogènes, fines et flexibles. Ainsi, des encres fonctionnelles, dont la formulation à base de nanotubes de carbone et de surfactant a été optimisée, ont été déposées sur un substrat flexible hydrophobe (feuilles de carbone). Les problèmes d’imprimabilité du substrat ont été surmontés et des couches actives flexibles ont été obtenues. A suivre !

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