Au sommaire
Edito : "15 ans d’enseignement à l’interface de la physique et de la biologie"
La physique au service des sciences du vivant
Réparer les os
Le SiC : intelligent et biocompatible
Les vertus cachées des hémicelluloses
Améliorer la stabilité des protéines thérapeutiques
Des "micro muscles" en culture
Une biopile pour alimenter les organes artificiels
Edito : 15 ans d’enseignement à l’interface de la physique et de la biologie
La présence du CEA et des grands instruments a attiré une communauté de biophysiciens à Grenoble dès les années 1970. Mais ce n’est qu’au tout début des années 2000 que la biologie fait son apparition dans les enseignements de Grenoble INP, à l’Ecole Nationale Supérieure de Physique de Grenoble (ENSPG, devenue Grenoble INP - Phelma). Claire Schlenker, alors directrice de l’école, crée la filière "Instrumentation pour les biotechnologies" afin de répondre à la demande des entreprises et des laboratoires, voyant bon nombre d’étudiants attirés par l’imagerie médicale. Bénéficiant du boom du développement des applications technologiques en biologie et pour la santé, la filière, qui a entretemps été rebaptisée Biomedical Engineering, forme aujourd’hui près de 50 étudiants par an. Dès sa création, celle-ci a été associée à des masters proposés par l’Université Grenoble Alpes (UGA) dans le domaine des sciences de la vie. A la rentrée 2016, les étudiants ayant choisi cette filière, pourront d’ailleurs bénéficier d’un double diplôme Grenoble INP et UGA (masters Nanobiosciences ou Nanobiomedicine and structural Biology). De son côté, Grenoble INP - Pagora propose une formation en post-master à la frontière du génie des procédés et de la biologie sur la valorisation de la biomasse, la filière Biorefinery, dont certains enseignements pourraient à terme être intégrés au master Nanobiosciences, qui pourrait devenir commun avec l’UGA. Ce n’est qu’un début, tant les perspectives sont importantes. Par le biais de la santé, la biologie offre en effet un terrain d’application majeur pour les technologies, notamment les technologies miniaturisées.
Franz Bruckert
Professeur à Grenoble INP - Phelma et directeur du LMGP*
La physique au service des sciences du vivant
Depuis de nombreuses années, l’interface Physique-Sciences du Vivant est un élément important du développement scientifique et technologique de Grenoble. Un mariage logique, auquel Grenoble INP prend activement part.
"À l’heure actuelle, nous sommes à un stade de développement où les connaissances pluridisciplinaires deviennent indispensables en biologie, notamment en physique et en mathématiques", estime Franz Bruckert, professeur à Grenoble INP – Phelma et directeur du LMGP*. Et de fait, la physique apporte des outils d’exploration très puissants pour observer le vivant (imagerie, etc), mais également des clés pour le décoder et en comprendre les propriétés, telle que la capacité d’auto-organisation des objets biologiques. Les matériaux, dont l’architecture tridimensionnelle permet de moduler les propriétés mécaniques, et dont le cœur ou la surface peuvent être modifiés par des biomolécules dans le but de les rendre "bioactifs", occupent également une place prépondérante dans l’imbrication de la physique avec la biologie. Ainsi, les systèmes vivants qui sont naturellement hautement organisés et efficaces d’un point de vue biologique, sont une grande source d’inspiration pour les scientifiques. Ceux-ci s’efforcent de créer des matériaux synthétiques innovants dont les propriétés se rapprochent au mieux de celles des tissus vivants. Les applications au domaine médical sont nombreuses, notamment pour réparer les os ou les vaisseaux lésés.
La santé, véritable moteur de l’innovation
La santé a toujours été le moteur du rapprochement de ces sciences. Aujourd’hui, l’ingénierie biomédicale est un domaine économique fort de la région grenobloise, qui donne lieu à de nombreuses activités de valorisation. Ce secteur est soutenu par des plateformes technologiques de haut niveau et des formations de qualité à Grenoble INP et à l’UGA. L’association MEDICALPS fédère quant à elle l’ensemble des acteurs économiques.
Les laboratoires de Grenoble INP développent, entre autres, des dispositifs miniaturisés et/ou implantables, des dispositifs médicaux ou encore des implants bio-actifs (TIMC, Spintec, IMEP-LAHC, G2ELab, LMGP…). Certains projets de recherche ont pour thème le contrôle et délivrance de molécules actives, l’optimisation de la biocompatibilité grâce à des matériaux biomimétiques et/ou architecturés (Labo Rhéologie, LMGP). D’autres s’intéressent au stockage et à la production d’énergie bioassistée (LEPMI, TIMC), et à l’utilisation en santé de nouvelles molécules issues de la biomasse végétale (LGP2).
Enfin, Grenoble INP dispose d’énormes atouts dans un autre domaine à l’interface : les mathématiques au service des sciences du vivant. Celles-ci sont mises à profit au GIPSA-lab, notamment, pour modéliser les phénomènes particulièrement complexes. La révolution apportée par les techniques d’analyse en parallèle des macromolécules biologiques (spectrométrie de masse, séquençage à haut débit) permettent de mettre en évidence la globalité de leurs interactions à l’échelle de la cellule. Cette masse d’information, complexe à traiter, à analyser et à représenter, préfigure la biologie de demain, résolument pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire.
Laboratoires cités dans cet article :
G2ELab : Laboratoire du génie électrique
GIPSA-lab : Laboratoire images, parole, signal, automatique
IMEP-Lahc : Institut de Microélectronique Electromagnétisme et Photonique, et Laboratoire d'Hyperfréquences et de Caractérisation
LEPMI : Laboratoire d’électrochimie et physico-chimie des matériaux et des interfaces
LGP2 : Laboratoire génie des procédés papetiers
LMGP : Laboratoire des matériaux et du génie des procédés
LRP : Laboratoire rhéologie et procédés
Spintec : Spintronique et technologie des composants
TIMC : Laboratoire de l’ingénierie médicale et de la complexité
Réparer les os
Remplacer les os fracturés ou lésés par des prothèses de titane c’est bien, mais pouvoir les réparer quand ils ont subi un gros traumatisme, ce serait encore mieux ! Cela pourrait être bientôt possible grâce aux travaux de l’équipe de Catherine Picart, professeure à Grenoble INP - Phelma et chercheuse au LMGP. L’homme est une merveilleuse machine, qui a parfois besoin d’un petit coup de pouce pour initier le processus de réparation d’un tissu lésé. On sait par exemple qu’il existe dans l’organisme des molécules bioactives capables de stimuler la croissance de l’os et du cartilage : les BMP (Bone Morphogenetics Proteins). Implantées expérimentalement dans du muscle, elles sont si puissantes qu’elles sont même capables d’induire la formation d’os là où on n’en attend pas du tout ! Si l’on arrivait à les associer à des biomatériaux couramment utilisés en chirurgie orthopédique comme des métaux (le titane par exemple), ou des polymères utilisés pour renforcer les vertèbres quand elles manquent de stabilité, leur utilisation en médecine régénératrice pourrait alors être grandement étendue. Un problème se pose cependant : on ne sait pas les faire interagir avec les implants synthétiques, lesquels sont constitués de matériaux inertes. D’où l’idée d’utiliser un film à base de polymères naturels pour "tapisser" l’implant de ces fameuses molécules bioactives. Non seulement ce film, appelé "film biomimétique", peut adhérer à la surface de l’implant en épousant sa géométrie, mais il possède en outre une porosité à l’échelle de la protéine qui lui permet de "piéger" les BMPs, lesquelles sont libérées à l’endroit où est implanté le support. Les résultats des essais réalisés in vitro en laboratoire et in vivo sur des petits animaux ont permis de montrer que le film biomimétique était capable d’initier la formation d’un nouvel os et qu’il est possible de contrôler précisément la dose de protéines BMPs délivrée. Ceci permet d’optimiser la régénération de l’os. A suivre.
Le SiC : intelligent et biocompatible
Les vertus cachées des hémicelluloses
Les glucides sont une matière première très utilisée dans l’industrie pharmaceutique, que ce soit comme excipient ou comme principe actif. Aussi, Christine Chirat, maître de conférences à Grenoble INP – Pagora et chercheuse au LGP2, s’est-elle mis en tête de valoriser les hémicelluloses, des polysaccharides complexes contenus dans les parois cellulaires du bois, dans le domaine pharmaceutique et nutraceutique. "Les hémicelluloses sont la plupart du temps transformées en énergie par combustion, explique la chercheuse. Or, elles pourraient être extraites et valorisées en amont du procédé Kraft qui permet la récupération de la cellulose pour la fabrication du papier". En collaboration avec le professeur Bertrand Toussaint de l’équipe TheREx du TIMC, elle a passé en revue les glucides constituant les hémicelluloses de bois et leurs applications thérapeutiques potentielles, en se focalisant sur certaines maladies intestinales. "Nous avons mis au point les procédés d’hydrolyse nécessaires à l’extraction des molécules d’intérêt, et sommes actuellement en train d’en tester les effets sur les bactéries bénéfiques et pathogènes du système digestif. Nous avons fait appel au CERMAV pour nous aider à caractériser le plus complètement possible les molécules d’intérêt". Ce projet est partiellement financé par le Labex TEC 21, et nous recherchons des financements complémentaires. S’il aboutit, il permettra de valoriser des molécules que l’on ne trouve actuellement pas sur le marché, et qui sont susceptibles d’être produites en grandes quantités par l’industrie papetière dans de nombreux pays, pour être accessibles au plus grand nombre.
Améliorer la stabilité des protéines thérapeutiques
Des "micro muscles" en culture
Une biopile pour alimenter les organes artificiels
Capables de convertir le glucose présent dans les fluides physiologiques en électricité, les biopiles enzymatiques ouvrent de nouvelles perspectives pour l’alimentation de dispositifs médicaux implantables tels que les pacemakers, les sphincters artificiels ou les pompes à insuline. Cependant, les performances de ces biopiles en termes de puissance doivent encore être améliorées pour envisager des essais chez l’homme. Dans cette perspective, le TIMC s’est rapproché du LGP2 pour envisager la fabrication d’électrodes souples qui pourraient être enroulées, augmentant ainsi leur densité et donc les rendements de la pile. Ces travaux, soutenus par un projet ANR, ont démontré la pertinence des procédés d’impression tels que le spray ultrasonique et l’héliogravure dans l’élaboration de biocathodes homogènes, fines et flexibles. Ainsi, des encres fonctionnelles, dont la formulation à base de nanotubes de carbone et de surfactant a été optimisée, ont été déposées sur un substrat flexible hydrophobe (feuilles de carbone). Les problèmes d’imprimabilité du substrat ont été surmontés et des couches actives flexibles ont été obtenues. A suivre !
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