Les dichalcogénures de métal, un levier d'innovation dans la microélectronique

En microélectronique, la quête de matériaux toujours plus performants est une course de fond. Avec le projet UltiMed, financé par l’ANR, les chercheurs repoussent les limites des films ultra-minces à base de dichalcogénures de métal.

Les matériaux lamellaires fascinent la communauté scientifique par leurs propriétés électroniques uniques et leur potentiel d'intégration dans des dispositifs de pointe. Parmi eux, le disulfure de titane (TiS₂) se distingue par sa légèreté, son coût réduit et ses performances électriques. Le projet UltiMed, porté par le LMGP*, en collaboration avec plusieurs partenaires nationaux**, explore les techniques innovantes pour fabriquer et caractériser ces films ultra-minces sur des substrats isolants.

L'objectif ? Mettre au point un procédé de fabrication optimisé de ces matériaux sous la forme de films ultra-minces en misant sur une approche combinant un dépôt hybride de molécules organiques et inorganiques et un recuit, ajustés avec précision grâce au suivi in situ et en temps réel de la synthèse. Cette méthodologie, testée avec succès grâce aux équipements de pointe du synchrotron SOLEIL, offre un contrôle précis de l'épaisseur et de la structure des films, une avancée cruciale pour leur intégration industrielle.

Observer la croissance à l'échelle atomique

Le projet met en œuvre la technique de dépôt chimique en phase vapeur (ALD/MLD), combinant des précurseurs métalliques et organiques. Ce processus, réalisé à basse température (50 °C), permet d’obtenir un film amorphe initial, contenant le Soufre et le Titane. Le recuit thermique à plus haute température (< 400°C) transforme ensuite ce film en feuillets cristallins TiS₂, globalement alignés parallèlement à la surface du substrat.

Cette approche présente deux avantages majeurs : une consommation réduite de matières premières grâce à l'utilisation de films ultra-minces et un potentiel d’intégration sur des substrats non cristallins de grande surface, comme le silicium oxydé. Le tout a été réalisé à l'aide d'un réacteur portable conçu sur mesure au LMGP, capable d’être transporté vers les grands instruments ou équipements tels que les centres de rayonnement synchrotron.

L’une des avancées notables d’UltiMed réside dans la mise en place d’une caractérisation en temps réel de la synthèse des films. Grâce à la ligne de lumière SIRIUS du synchrotron SOLEIL, les chercheurs ont pu suivre, à l’aide de rayons X, chaque étape du processus de dépôt et de recuit. Ce suivi in situ inclut des techniques telles que la fluorescence X, la réflectivité et la diffraction des rayons X, qui permettent d’analyser avec précision la composition et la structure des films, ainsi que l’ellipsométrie. Ces observations ont révélé une évolution remarquable du film amorphe initial, non stœchiométrique, en couches nanométriques organisées, de texture lamellaire et de très faible rugosité. Ces caractéristiques rendent les films de TiS₂ idéaux pour des applications variées, par exemple dans les domaines de l’énergie et de la microélectronique.

Malgré la fin de la première phase du projet UltiMed, les perspectives restent riches. Les résultats obtenus sur le TiS₂ ouvrent la voie à l’exploration d’autres dichalcogénures de métal, tels que le VSₓ, en collaboration avec le CEA-Leti (Grenoble). L’objectif est de créer des contacts électriques optimisés entre ces nouveaux matériaux et d’autres matériaux lamellaires, tout en poursuivant le développement de techniques de dépôt adaptées à l’industrie et le suivi in situ pour l’accélération de la synthèse de nouveaux matériaux et hétérostructures fonctionnelles.

Contact : hubert.renevier@grenoble-inp.fr

*CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA

 
Publications associées
  • « Transition Metal Dichalcogenide TiS2 Prepared by Hybrid Atomic Layer Deposition/Molecular Layer Deposition: Atomic-Level Insights with In Situ Synchrotron X‑ray Studies and Molecular Surface Chemistry » - Petros Abi Younes, Evgeniy Skopin, Medet Zhukush, Laetitia Rapenne, Hervé Roussel, Nicolas Aubert, Lhoussain Khrouz, Christophe Licitra, Clément Camp, Marie-Ingrid Richard, Nathanaelle Schneider, Gianluca Ciatto, Nicolas Gauthier, Denis Rouchon, Elsje Alessandra Quadrelli, Hubert Renevier. Chem. Mater. (2022), 34, 10885−10901
  • « Quantitative in situ synchrotron X-ray analysis of the ALD/MLD growth of transition metal dichalcogenide TiS2 ultrathin films » - Ashok-Kumar Yadav, Weiliang Ma, Petros Abi Younes, Gianluca Ciatto, Nicolas Gauthier, Evgeniy Skopin, Elsje Alessandra Quadrelli, Nathanaelle Schneider and Hubert Renevier. Nanoscale (2024),16, 1853-1864
**Laboratoires partenaires :
  • LMGP : Laboratoire des Matériaux et du Génie Physique, Grenoble (CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA)
  • IRCELyon : Institut de Recherche sur la Catalyse, Lyon
  • CEA-Leti (CEA, Grenoble)
  • CEA-IRIG : lnstitut de recherche interdisciplinaire de Grenoble (CEA, Grenoble)
  • CP2M : Catalyse, Polymérisation, Procédés et Matériaux (Université de Lyon, Lyon)
  • IPVF : Institut Photovoltaïque d’Île-de-France (Palaiseau)