Quoi de plus naturel que de parler ? Pourtant, certains enfants rencontrent des difficultés qui entravent leur apprentissage du langage oral. Et les orthophonistes disposent de peu d’outils standardisés suffisamment complets pour évaluer ces troubles, notamment en français. C’est pour répondre à ce besoin qu’est né le projet Eulalies en 2015.
Né d’échanges entre chercheuses des laboratoires GIPSA-lab et LPNC et orthophonistes du Centre de Référence des Troubles du Langage et des Apprentissages (CRTLA) du CHU de Grenoble, ce projet fait suite à un double constat : le manque d’outil d'évaluation complet et spécifique au français, et le manque de données de référence sur le développement typique de la parole en français. « Or, pour diagnostiquer un trouble, il faut pouvoir le comparer à une norme, explique Anne Vilain, maîtresse de conférences en sciences du langage à l’UGA et chercheuse au GIPSA-Lab. Les orthophonistes avaient besoin d’outils pour mieux comprendre ce qui se passe lorsqu’un enfant s’écarte du développement attendu. »
Des tests adaptés aux spécificités du français
S’il existait déjà des tests, ils ne couvraient pas l’ensemble des sons du français. Avec Geneviève Meloni, orthophoniste et doctorante en co-tutelle avec l’université de Montréal, et Hélène Loevenbruck, directrice de recherches au CNRS et au laboratoire LPNC, Anne Vilain a mis au point une batterie plus complète pour évaluer la production et la perception de la parole. Elles ont ensuite initié une vaste collecte de données, toujours en cours, et qui à ce jour a été menée auprès de 368 enfants, dont 257 au développement typique. Un point fort de cette étude est la diversité linguistique des participants, permettant de distinguer les difficultés liées au multilinguisme de celles relevant de véritables troubles du langage.
Depuis 2020, la batterie de tests est composée de cinq épreuves ciblant différentes étapes du processus de perception et de production de la parole. D’une durée totale de 45 minutes, ces tests sont encore en cours de standardisation. « Il nous faut plus de données, notamment pour affiner les tranches d’âge », précise Anne Vilain. Ils ont cependant déjà été utilisés dans le cadre de plusieurs projets de recherche avec des applications différentes. Un premier projet par Geneviève Meloni a ciblé les troubles du développement de la parole, dont la dyspraxie verbale, un trouble moteur encore mal caractérisé en français. Par la suite, la batterie de tests a été exploitée par Laura Machart et Lucie Van Bogaert dans des recherches sur la communication orale des enfants sourds équipés d’implants cochléaires, dans le cadre du projet européen Comm4CHILD et dans le cadre du projet ANR HearCog, et enfin par Claire Boilley, financée par l’ANR Eulalies, pour son travail sur les difficultés d’accès à la lecture des enfants et adolescents avec déficience intellectuelle légère.
Une reconnaissance grandissante
Bien que mené à Grenoble, le projet a rapidement suscité l’intérêt d’autres équipes. L’université de Montréal et le laboratoire Dynamique du Langage à Lyon ont rejoint l’initiative. En Belgique, à l’Université de Liège, la batterie a été adaptée aux spécificités du français local pour explorer d’autres troubles du langage. Le projet bénéficie également d’une collaboration avec un chercheur canadien, qui travaille sur une application destinée aux orthophonistes, pour automatiser les analyses et faciliter le diagnostic.
Déjà utilisé en recherche, Eulalies pourrait donc bientôt faire son entrée en clinique. Il est d’ailleurs référencé sur la plateforme Tool2Care, qui met à disposition des cliniciens des informations critiques à propos des batteries d’évaluation. Son développement se poursuit, avec l’ambition de proposer des outils toujours plus performants pour améliorer l’évaluation et la prise en charge des troubles de la parole chez les enfants francophones. A suivre.
* CNRS / UGA / Grenoble INP - UGA
Crédit photo de couverture : Julie Marchart - Eulalies
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