Réduire la consommation énergétique des circuits électroniques, c’est possible. Notamment en diminuant celle des mémoires magnétiques, dans lesquelles l’information est codée par l’orientation d’un champ magnétique. Pour modifier l'orientation de ce champ, il est aujourd’hui nécessaire d'utiliser un courant électrique. Or, lorsqu’un courant passe à travers un matériau, il génère de la chaleur en raison de la résistance. Cette chaleur est une forme d'énergie qui se perd dans l'environnement, et donc gaspillée.
Pour résoudre ce problème, les chercheurs travaillent sur de nouveaux matériaux et de nouvelles technologies visant à réorienter le magnétisme d’un matériau en appliquant une tension plutôt qu’un courant. « Il existe plusieurs approches, explique Mairbek Chshiev, chercheur au laboratoire Spintec. Mais l’une des plus prometteuses est la magnéto-ionique, qui consiste à utiliser la tension pour faire entrer et sortir des atomes d'un matériau magnétique, et à modifier ainsi ses propriétés. »
Modifier les propriétés des matériaux par la tension
Une récente étude menée par Spintec en collaboration avec l'université de Barcelone (UAB), l'université de Georgetown (Etats-Unis), la Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf à Dresde (Allemagne), les centres nationaux de microélectronique CSIC de Madrid et de Barcelone et l'ICN2 (Institut catalan de nanoscience et de nanotechnologie), et publiée dans la prestigieuse revue Nature Communications1, a montré qu'il était possible d'activer et de désactiver le magnétisme de métaux contenant de l'azote à l'aide d'une tension. Non magnétique en soi, le nitrure de cobalt produit une structure riche en cobalt qui est magnétique, lorsque l'azote est éliminé par une tension. Et vice versa. « Ce processus s'avère reproductible et durable, ce qui suggère qu'un tel système est un moyen prometteur pour écrire et stocker des données de manière cyclique. Il est également intéressant de noter qu'il nécessite moins d'énergie, qu'il est plus rapide et qu’il a plus d’endurance que les systèmes utilisant d'autres atomes non magnétiques, tels que l'oxygène, ce qui augmente les économies d'énergie possibles. »
Le mouvement contrôlé des ions azote avec la tension pourrait permettre l'utilisation de la magnéto-ionique dans des domaines technologiques exigeant de l'endurance et des vitesses de fonctionnement modérées. C’est le cas, par exemple, de l'informatique neuromorphique ou des systèmes micro-électro-mécaniques.
*CEA, CNRS, IRIG, UGA, Grenoble INP – UGA
[1] "Voltage-driven motion of nitrogen ions: a new paradigm for magneto-ionics", J. de Rojas, A.Quintana, A. Lopeandía, J. Salguero, B. Muñiz, F. Ibrahim, M. Chshiev, A. Nicolenco, M. O. Liedke, M. Butterling, A. Wagner, V. Sireus, L. Abad, C. J. Jensen, K. Liu, J. Nogués, J. L. Costa-Krämer, E. Menéndez & Jordi Sort, Nat. Commun. 11,5871 (2020)