SWIS : plongée au cœur des glaces de l'Antarctique

Face à l'accélération inquiétante de la fonte des glaces, des chercheurs grenoblois mènent une mission au cœur de l’Antarctique dans le cadre d'un projet ANR. Leur objectif ? Comprendre les mécanismes de fonte des glaciers pour mieux anticiper la montée des eaux.

Diplômé de Grenoble INP - Phelma, UGA (filière Génie Energétique et Nucléaire) et actuellement doctorant à l’Institut des Géosciences de l’Environnement (IGE), Julien Witwicky, est animé depuis toujours par les enjeux environnementaux. Après avoir effectué un hivernage d’un an à la base Concordia en Antarctique, il se consacre aujourd’hui à l’étude des régions polaires. Axel Wohleber, quant à lui, est diplômé d’un master de Grenoble INP - Phelma, UGA en Photonique et semi-conducteurs et vient de terminer une thèse au laboratoire. Il a participé à la conception de SWIS*, cet instrument innovant capable de résister aux conditions extrêmes des glaces antarctiques. « SWIS est un spectromètre optique miniaturisé unique, explique Axel Wohleber, il permet de mesurer la signature isotopique des eaux de fonte sous les plateformes de glace, des zones cruciales où le glacier terrestre devient ne repose plus sur le plateau continental mais directement sur l’océan. » C’est précisément la fonte de ces plateformes, qui stabilisent les glaciers en ralentissant leur écoulement vers l’océan, que les chercheurs s’efforcent de comprendre dans le cadre de ce projet ANR porté par Roberto Grilli, chargé de recherche CNRS à l'IGE.

Une mission en milieu extrême

La mission menée par l’équipe internationale de 11 scientifiques et techniciens dont faisait partie Julien Witwicky a duré deux mois. Les chercheurs ont déployé divers instruments, dont SWIS, pour collecter des données sur la fonte du glacier. « Nous avons foré à travers 400 mètres de glace grâce à un jet d’eau chaude sous pression, raconte Julien Witwicky. Sous cette glace se trouvent 600 mètres d’eau glaciale, eau dans laquelle nous avons réalisé nos mesures et prélèvements. C’est un environnement totalement unique. »

La mission n’a pas été de tout repos. SWIS, bien que révolutionnaire, a rencontré plusieurs problèmes techniques. « Lors du premier déploiement, un problème de communication nous a empêchés de piloter l’instrument à distance. Plus tard, des problèmes mécaniques sont apparus, ce qui nous a fait perdre le signal optique. » Ces imprévus, typiques des missions dans de tels milieux, ont permis à l’équipe de tirer des enseignements précieux pour de futurs déploiements.

Un enjeu global : anticiper la montée des eaux

Les projections actuelles sont alarmantes : d'ici 2100, la fonte accélérée de l’Antarctique pourrait entraîner une montée des océans de 2,5 mètres. C’est pour mieux comprendre et anticiper ce phénomène que les chercheurs s'acharnent à décrypter les interactions entre les océans et les glaciers. « L'idée est de mieux comprendre ce qui fragilise ces plateformes de glace, afin de mieux les surveiller, » explique Axel Wohleber.

Après cette première mission en Antarctique, l’équipe compte tester SWIS dans des conditions moins difficiles sur la plateforme scientifique du lac Léman en 2026-2027, et plus tard sans doute lors d’une nouvelle campagne en Arctique.

En documentant les processus en jeu dans la fonte des glaces, SWIS et ses créateurs espèrent contribuer à une meilleure compréhension de la perpétuelle évolution de notre planète. Ce travail de longue haleine pourrait bien être l’une des clés pour anticiper les conséquences du réchauffement climatique à l’échelle globale.

*Subsea Water Isotope Sensors

SWIS bis