Edito : Cap sur une nouvelle génération de matériaux architecturés
Sous l’impulsion d’Yves Bréchet dans les années 2000, Grenoble INP est devenu un site de référence à l’international dans le domaine de l’architecturation des matériaux, qui consiste à jouer sur des associations de matériaux et à optimiser la distribution spatiale de la matière afin de répondre au mieux à des cahiers des charges particulièrement complexes. Cette reconnaissance a été confirmée par la labellisation du labex CEMAM, porté par Grenoble INP et réunissant des équipes des laboratoires SIMAP, LEPMI, LMGP, LIPHY et TIMC. En raison des gains qu’ils permettent (allègement, multifonctionnalité…), les matériaux architecturés actuels apportent des réponses intéressantes en termes d’éco efficience. Aujourd’hui, si l’on veut aller plus loin dans ce domaine et en cohérence avec la création en 2018 d’un centre d’Eco-conception des matériaux architecturés (projet ECOMARCH), il convient de plus s’intéresser au choix des éléments constitutifs, aux procédés de recyclage mais aussi à la capacité d’accroître la fonctionnalisation des architectures produites. C’est pourquoi il est important de pouvoir proposer des matériaux architecturés "intelligents", capables d'interagir avec leur environnement. Le labex CEMAM souhaite faire de cette nouvelle thématique une de ses priorités. Grenoble INP est parfaitement armé pour relever un tel défi multidisciplinaire, car au-delà de ses compétences reconnues dans les classements internationaux en science des matériaux, l’institut couvre l’ensemble des sciences de l’ingénieur. Puissent les futures avancées dans les matériaux architecturés intelligents contribuer à maintenir ce positionnement international de l’institut et partant, de l’Université Grenoble Alpes.
*Centre d’Excellence sur les Matériaux Architecturés Multifonctionnels.
*Centre d’Excellence sur les Matériaux Architecturés Multifonctionnels.
Jean-Jacques Blandin
Chercheur au SIMAP et enseignant à Grenoble INP – Phelma
Vers des matériaux de plus en plus intelligents
Reconnu en science des matériaux au niveau international, notamment grâce au labex CEMAM sur les matériaux architecturés, Grenoble INP se prépare à surfer sur la vague des matériaux intelligents. L’établissement dispose de nombreux atouts pour relever le défi.
Pour Yves Bréchet, membre de l'Académie des Sciences, professeur à Grenoble INP, chercheur au SIMAP et Haut commissaire à l'énergie atomique, "un matériau, c'est de la matière qui remplit une fonction". Depuis l’origine, les matériaux sont classés essentiellement en deux catégories?: les matériaux de structure que l’on utilise pour leurs propriétés mécaniques, et les matériaux fonctionnels, dont on exploite certaines propriétés comme la conductivité par exemple, pour des applications précises. Les matériaux intelligents, pour leur part, sont dotés de capacités d’interaction avec l’extérieur, qui leur permettent de se comporter comme des capteurs, des actionneurs, ou parfois comme des processeurs (pour traiter, comparer, et stocker des informations).
Grenoble INP dans les starting-blocks
Grenoble INP, impliqué dès 2011 dans le labex CEMAM sur les matériaux architecturés, se prépare à relever le défi des matériaux intelligents. En jouant astucieusement sur les assemblages de matériaux et en distribuant judicieusement la matière, les matériaux architecturés satisfont certaines exigences en termes de propriétés multi fonctionnelles parfois antinomiques : propriétés mécaniques (résistant et léger à la fois), acoustiques, thermiques, électromagnétiques.
Mais on peut aller plus loin en ajoutant d’autres fonctions à la matière. Au sein du labex CEMAM, les chercheurs se sont engagés dans une réflexion d’avenir sur cette thématique. "Les possibilités sont multiples, indique Jean-Jacques Blandin, chercheur au SIMAP et enseignant à Grenoble INP – Phelma. Ainsi, il est possible de faire en sorte que les matériaux interagissent directement avec leur environnement. Ils peuvent s’adapter à celui-ci, en réponse à des stimuli thermiques, chimiques ou mécaniques, ou contribuer à le modifier. La nature sait très bien le faire, et la bio-inspiration peut contribuer au développement de nouveaux matériaux architecturés intelligents". Certains travaux ont d’ores et déjà débuté en ce sens comme par exemple l’étude de l’impact de l’état de surface d’une prothèse osseuse pour promouvoir son ostéointégration (voir ci-dessous).
Une autre voie de développement concerne la communication des matériaux avec l’extérieur. "On peut imaginer des matériaux capables d’envoyer des informations d’autodiagnostic interne, prévenant lorsqu’une fissure se propage par exemple". Bien que plus prospectifs, des travaux de fonctionnalisation de matériaux pour rendre possible cette communication (parfois en déposant des capteurs ou des revêtements adaptés), ont ainsi été amorcés dans des laboratoires co-pilotés par Grenoble INP (voir ci-dessous).
De nombreux atouts à valoriser
Outre des outils exceptionnels permettant une fonctionnalisation 3D de la matière (Grenoble INP est par exemple le seul centre universitaire français à maîtriser la technologie EBM – Electron Beam Melting), l’institut dispose de compétences fortes en dépôt de couches minces et en électronique imprimée pour fonctionnaliser les surfaces. "Les procédés d’impression sont de plus en plus utilisés pour créer des dispositifs électroniques, et le papier n’est plus un simple vecteur d’information mais trouve un champ d’application de plus en plus vaste, notamment pour la fabrication d’écrans papier, indique Nadège Reverdy-Bruas, enseignante à Grenoble INP – Pagora, chercheuse au LGP2 et titulaire de la chaire MINT. L’électronique imprimée, alternative à l’électronique classique est particulièrement bien adaptée à la production de masse et à faible coût, de produits flexibles dotés de fonctions simples". Au LGP2, les scientifiques ont d’abord été sollicités pour adapter les procédés d’impression traditionnels au dépôt d’encres "fonctionnelles" sur différents types de substrats (plastique, papier, polymères, tissu…) dans le cadre de projets européens, ANR etc.
De nombreux travaux ont également porté sur la formulation des encres et leur adéquation avec les supports. Parmi les applications possibles : les emballages "intelligents" capables d’interagir avec le public, l’impression de capteurs à faible coût, ou encore des réseaux conducteurs intégrés à un matériau isolant dans lequel on souhaite détecter une fissuration par exemple… Une thèse menée au LGP2 en partenariat avec le papetier Arjowiggins a contribué à développer et breveter un papier dans lequel une antenne RFID est imprimée avec des encres conductrices, et associée à une puce silicium dans laquelle on peut encoder des information. Depuis septembre 2012, un module d’électronique imprimée permet aux étudiants de Grenoble INP – Pagora de se familiariser avec les problématiques et les enjeux de l’électronique imprimée.
En outre, une chaire d’excellence industrielle, portée par la Fondation Partenariale Grenoble INP et soutenue par Schneider Electric, la chaire MINT, a été inaugurée en mars 2016. Elle ambitionne de relever les défis d’intégration de fonctions électroniques dans les boitiers électrotechniques de Schneider Electric de forme tridimensionnelle. Dans ce contexte, la fabrication additive – incluant l’électronique - est au cœur des défis à relever et mettra en œuvre des procédés d’impression directe. Ainsi, Grenoble INP est parfaitement armé pour relever le défi multidisciplinaire des matériaux intelligents. Au-delà de ses compétences reconnues en science des matériaux, l’institut couvre en effet l’ensemble des sciences de l’ingénieur. Les futures avancées dans les matériaux architecturés intelligents devraient contribuer à maintenir ce positionnement international de l’institut et partant, de l’Université Grenoble Alpes.
Des implants bio-actifs intelligents
Au LMGP (Laboratoire des Matériaux et du Génie Physique), Catherine Picart développe depuis de nombreuses années des films bio-actifs, constitués de polymères naturels, qui permettent de stocker localement un principe actif accélérant la régénération osseuse et favorisant l’intégration des implants. Ces films sont déposés selon un procédé de dépôt couche à couche en milieu liquide bien maîtrisé au laboratoire.
Une collaboration avec le SIMAP a pour but aujourd’hui de mettre au point le support le plus approprié pour ces films. L’objectif : développer un matériau adaptable à notre corps, qui puisse avoir un effet sur les cellules souches et orienter leur différenciation en cellules osseuses. "Pour cela, nous devons agir à plusieurs niveaux, explique Rémy Dendievel, enseignant à Grenoble INP – Phelma et chercheur au SIMAP. A l’échelle de la macrostructure bien sûr, pour reproduire des propriétés similaires à celle de l’os, mais aussi au niveau de la microstructure, afin de recréer un environnement favorable aux cellules osseuses. En particulier, nous devrons déterminer la forme, la densité et l’état de surface idéaux pour activer la formation d’os." C’est l’objet de la thèse d’Antalya Ho-Shui-Ling, qui va devoir également optimiser la délivrance du principe actif contenu dans les films. Pour la fabrication des implants en alliages de titane, Antalya utilise la technique de fabrication additive EBM (à noter qu’une 2ème machine vient d’arriver à Grenoble INP, installée sur le Campus au SIMAP).
De la matière juste ce qu’il faut, là où il faut
Frédéric Mercier, chercheur au SIMAP (Science et Ingénierie des Matériaux et Procédés), ajoute des fonctions aux matériaux en ajoutant juste ce qu’il faut de matière bien choisie, à des endroits stratégiques.
Dans le cadre d’un projet AGIR, il développe un outil métallique doué d’autodiagnostic, susceptible de signaler un risque de rupture. Pour cela, il a eu l’idée d’intercaler un matériau piezoélectrique entre deux couches de métal. "Quand l’objet est sollicité mécaniquement, le mouvement créé un courant qui peut être mesuré, explique le chercheur. Il devient alors possible de surveiller la production de courant, et de ce fait, de détecter d’éventuelles dérives du signal avant que l’outil ne cède !"
Maîtrisant au laboratoire les techniques de dépôt chimique en phase vapeur, le chercheur dépose une couche de céramique piezoélectrique composée de nitrure d’aluminium (AlN) au cœur de l’instrument. Plusieurs difficultés se présentent?: intercaler l’AlN entre deux couches de métal tout en assurant la stabilité de la jonction grâce à des couches d’adaptation, lesquelles doivent également être conductrices pour permettre la lecture du signal… Pas simple, mais le défi est en passe d’être relevé, grâce notamment à l’optimisation des étapes successives du dépôt. A suivre.
Le laboratoire TIMC tricote des orthèses plus souples
Les alliages à mémoire de forme sont exploités dans différents domaines pour leurs propriétés pseudoélastiques remarquables : la superélasticité, qui leur permet de se déformer élastiquement 10 fois plus que l’acier, faisant d’eux une sorte de caoutchouc métallique, et enfin la mémoire de forme proprement dite. Après déformation à froid, les matériaux à mémoire de forme peuvent récupérer intégralement leur forme initiale par simple chauffage de l’ordre d’une dizaine de degrés.
Au laboratoire TIMC (Techniques de l’Ingénierie Médicale et de la Complexité), des chercheurs étudient le potentiel de "tricots" à base de fils de Ni-Ti (alliage quasi équiatomique Nickel-Titane à mémoire de forme) pour des applications médicales ciblées. "Au laboratoire, nous avons un projet de corset et d’orthèse plus souples que les dispositifs actuels, explique Denis Favier, chercheur au TIMC. L’idée est de ne contraindre le membre, c’est-à-dire le dos ou le doigt en fonction de l’application, que dans la direction nécessaire et sans entraver le mouvement dans les autres directions pour plus de confort."
Une première thèse, co-dirigée par un médecin orthopédiste du CHU de Grenoble et en collaboration avec une société d’orthopédie, est en cours pour déterminer les efforts à appliquer dans chacune des directions. Une seconde thèse, co-dirigée avec l’Institute of Physics ASCR de Prague et développée dans le cadre du labex CEMAM, vise à évaluer le potentiel des tricots de Ni-Ti anisotropes pour remplir la fonction.
Au laboratoire TIMC (Techniques de l’Ingénierie Médicale et de la Complexité), des chercheurs étudient le potentiel de "tricots" à base de fils de Ni-Ti (alliage quasi équiatomique Nickel-Titane à mémoire de forme) pour des applications médicales ciblées. "Au laboratoire, nous avons un projet de corset et d’orthèse plus souples que les dispositifs actuels, explique Denis Favier, chercheur au TIMC. L’idée est de ne contraindre le membre, c’est-à-dire le dos ou le doigt en fonction de l’application, que dans la direction nécessaire et sans entraver le mouvement dans les autres directions pour plus de confort."
Une première thèse, co-dirigée par un médecin orthopédiste du CHU de Grenoble et en collaboration avec une société d’orthopédie, est en cours pour déterminer les efforts à appliquer dans chacune des directions. Une seconde thèse, co-dirigée avec l’Institute of Physics ASCR de Prague et développée dans le cadre du labex CEMAM, vise à évaluer le potentiel des tricots de Ni-Ti anisotropes pour remplir la fonction.
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