Réparer les lésions osseuses importantes, souvent incurables par les techniques actuelles (1), tel est le défi que tente de relever Catherine Picart depuis des années. L’aventure a commencé par des preuves de concept financées par le Conseil européen de la recherche (ERC), qui lui ont permis de jeter les bases de son projet visant à élaborer de nouveaux matériaux multifonctionnels à base de biopolymères au LMPG**.
Elle a franchi en 2016 une étape cruciale en démontrant, chez des rats, la capacité de films biomimétiques à favoriser la réparation osseuse d’os de fémur (2). « Constitué entre autres d’acide hyaluronique, ce film mime une matrice naturelle, explique Catherine Picart. Il forme des sortes de mailles qui permettent d’accrocher un facteur de croissance spécifique, lequel stimule la formation d’os par les cellules. ». Cette avancée, réalisée en partenariat avec le professeur Bettega, chef du service de chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital d’Annecy, a donné lieu au dépôt d’un brevet en 2020. Ces films bioactifs se sont révélés efficaces pour des lésions modérées, mais pour des défauts plus volumineux, une nouvelle approche était nécessaire.
Du film à l’implant 3D
Pour les lésions plus importantes, le simple film déposé juste sur une seule surface ne suffisait plus : il fallait augmenter la surface. Pour arriver à cet objectif, a solution a pris la forme d’implants 3D en polymère, conçus par impression 3D (fabrication additive) et enduits sur toute leur surface interne et externe de ces films biomimétiques. Ceci est réalisé par un procédé simple de trempage, utilisé couramment en industrie. Ainsi, La structure polymérique 3D agit comme un squelette permettant à l’os de se reconstruire dans les pores de l’implant 3D bioactif. C’est le film bioactif qui enclenche l’auto-réparation osseuse.
Ces implants ont fait leurs preuves lors d’essais précliniques pour réparer des défauts osseux dans des mandibules de mini-cochons, essais réalisés à l’école vétérinaire de Marcy l’Etoile. Ces résultats ont été publiés en 2021 (3). Plus récemment, la réparation d’un os métatarse (équivalent à un tibia) a été faite sur des moutons en collaboration avec l’école vétérinaire de Maisons Alfort et le Centre d’Investigation clinique de Bordeaux. Les résultats, publiés en 2023 (4), confirment l’autoréparation complète des os endommagés.
Bientôt une start-up
Les applications potentielles de cette innovation sont vastes. Chirurgie dentaire, maxillo-faciale, orthopédique ou encore réparation du rachis : les implants 3D bioactifs pourraient offrir une alternative aux greffes osseuses, souvent douloureuses et peu adaptées aux patients souffrant de pathologies telles que le diabète ou l’ostéoporose.
L’ambition de Catherine Picart et de son équipe est désormais claire : industrialiser ces implants pour les rendre accessibles au plus grand nombre. Cette transition vers la production en série, soutenue par l’incubateur SATT Linksium et par les cellules de valorisation de Grenoble INP et du CNRS, vise la création d’une start-up baptisée APIOS d’ici 2025. Les premiers essais cliniques sur l’homme sont attendus pour 2026, sur des implants prêts-à-l’emploi adaptés à la médecine personnalisée.
L’enjeu est immense, car les besoins sont considérables : aux États-Unis, les greffes osseuses figurent parmi les interventions médicales les plus courantes après les transfusions sanguines. Grâce à des soutiens précieux, notamment celui de la fondation des Gueules Cassées et de la Fondation Recherche Médicale, Catherine Picart est en passe de transformer une vision scientifique en solution concrète pour les patients du monde entier.
Dans le cadre de sa chronique santé sur Radio France, Thierry Lhermitte est allé à la rencontre de Catherine Picart, à Grenoble.
Retrouvez le podcast ici.
* Biomimétisme et Médecine régénérative
**CNRS / UGA / Grenoble - INP, UGA
1) 10.1016/j.biomaterials.2018.07.017
2) 10.1016/j.biomaterials.2016.06.001
3) 10.1016/j.mtbio.2021.100113
4) 10.1002/adhm.202301692
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